Comment Felicity Jones s'est préparée pour son rôle dans On the Basis of Sex
C’est le genre de film où les spectateurs peuvent pleurer à la fin, mais ce ne sont ni des larmes de joie ni des larmes de tristesse. Ils sont vidés.
Un soulagement. C’est un soulagement n’est-ce pas ?. Demande Felicity. Le film montre que parfois les choses peuvent changer, parce que parfois, on est un peu.. découragé.
L’actrice fait une pause. Elle prend une gorgée d’eau et finit sa déclaration dans le calme. On peut être un peu découragé par la situation actuelle.
Felicity nous dit cela dans un hôtel situé à moins d’un kilomètre de la Maison Blanche, où ‘la situation actuelle’ continue de décourager, d’exaspérer et d’enrager de nombreuses Américaines.
Nous devons toujours nous battre contre une grande partie de ce contre quoi Ruth s’est battue. Annonce Felicity. La nommée aux Oscars porte un pantalon chic et professionnel en laine grise et semble beaucoup plus à l’aise que la jeune Ginsburg qu’elle interprète.
Malgré son éducation anglaise, Felicity Jones comprends les défis auxquels sont confrontées les femmes américaines d’hier et d’aujourd’hui. Elle nous a parlé du fait de grandir sur des tournages entièrement masculins et de l’icône notoire qu’elle joue dans le film.
The Lily : En tant qu’actrice britannique, comme avez-vous fait pour être capable d’interpréter un rôle qui demande des connaissances dans les tenants et aboutissants du système juridique américain ?
Felicity Jones : Une bonne partie de ce contre quoi Ruth plaidait est toujours en jeu. On aurait pu penser que le film parlerait de ce passé lointain et poussiéreux, mais les questions sont aujourd’hui aussi pertinentes qu’elles ne l’ont jamais été. Ma foi en elle, en ce qu’elle est et ce que dit le film était si grande que je ne pouvais pas laisser passer cette occasion. Donc je suis devenue extrêmement minutieuse et obsédée par les détails et ma responsabilité.
TL : Pouvez-vous définir ‘obsédée par les détails’ ?
FJ : Dans tous les aspects, sur chaque front. Physiquement, émotionnellement et intellectuellement, je voulais comprendre le monde du personnage et rendre justice à la juriste.
TL : Avez-vous suivie des cours en droit ? Lu les jugements de RBG ?
FJ : Oui. Beaucoup de ces procès sont en ligne. Tu peux les écouter et ça m’a été d’une très grande aide. J’ai passé beaucoup de temps à m’imprégner de la voix de Ruth Bader Ginsburg. Ses voyelles se déplacent et changent. Elle a fait face à beaucoup de snobisme, par ce qu’elle venait de Brooklyn. La plupart des gens avaient un accent plus standardisé et ça a été fascinant de canaliser son accent de Brooklyn. Quand elle est contrariée, fâchée ou énervée, son accent de Brooklyn devient plus fort. Elle se battait contre un système patriarcale complètement enraciné au fondement de la loi. La façon dont elle a navigué avec cela, comment elle a maîtrisé cette colère et comment elle a ramené les gens de son côté, tout cela est fascinant. Elle fait ça grâce au ton de sa voix, dans sa façon de parler et la clarté de son argumentaire. C’était une excellente écrivaine. Elle a eu Vladimir Nabokov comme professeur à l’université de Cornell.
TL : Je ne savais pas cela.
FJ : Cela explique pas mal de choses sur son attention aux mots qu’elle choisit dans ses discours. Quand je l’ai rencontrée, il était intéressant de voir à quel point son rythme de parole était lent. Elle prend de grandes pauses avant de dire quelque chose, parce qu’elle sait que les mots sont très, très puissants.
TL : Mais dans une bonne partie du film, Ruth a des difficultés à s’exprimer à la cour. Elle enseigne à Rutgers parce que les cabinets ne voulaient par engager une femme. Est-il juste de dire qu’elle a dû apprendre à avoir confiance en ses mots écrits pour encourager ses aptitudes à l’oral ? Je crois avoir entendu Marty, son mari, dire quelque chose comme ça.
FJ : Absolument. C’est quelque chose dont elle prit conscience très tôt. Dans le film, évidemment, nous devions mettre un peu de drame à l’histoire. Mais je pense qu’elle avait compris à quel point elle pouvait être persuasive, qu’elle avait le pouvoir de faire changer les gens d’avis.
TL : Vous vous êtes faite connaitre grâce à votre interprétation de la femme de Stephen Hawking dans Theory of Everything. Ce nouveau film vous ramène dans les années 60. Avez-vous pensé à Jane Hawking en préparant ou pendant le tournage d’On the Basis of Sex ? Et avez-vous éprouvé de la satisfaction à jouer une femme de la même époque qui se réalise beaucoup plus ?
FJ : Il y a beaucoup de similitudes entre ces deux femmes qui essayent de se faire une place dans une société patriarcale. Elles essayent toutes les deux de naviguer Elles essayent toutes les deux de composer avec cette pression incroyable d’attractivité, de féminité, d’innocence, pour répondre à toutes ces attentes à l’égard de leur sexe et ne pas être perturbatrices. Ruth apprend à le faire d’une manière plus sophistiquée.
TL : Je ne veux pas être superficielle, mais peut-on parler des vêtements ? Ruth a des moments assez étincelants dans ce film.
FJ : Non, ce n’est pas superficiel. Les habits sont ont aussi fascinants.. Ruth est une icone punk à cause de son amour du style et sa constance dans son style plus que tout. Dans la lignée d’Anna Wintour ou Karl Lagerfeld, Ginsburg est restée avec ce qui marche pour elle. Les cols sont iconiques.
TL : D’ailleurs au début du film, elle a du mal à choisir quelle robe porter à un dîner le doyen de l’université de droit d’Harvard.
FJ : Interpréter ce rôle était en partie montrer comment quelqu’un trouve sa voie et comment on devient une icone. Elle n’a pas commencé comme ça. Elle est venue au monde pleine d’espoir et n’a pas arrêté d’être retardée et repoussée. C’est intéressant de voir de quelle façon une personne doit devenir résistante. Ginsburg a dit elle-même que dans les années 70, elle ne voulait pas perdre son temps à utiliser des bigoudis. Le stéréotype du genre avait changé et les attentes avaient changé. Elle gagnait tout ce temps le matin juste en attachant ses cheveux en arrière. C’était purement pragmatique. C’est une femme très occupée qui ne veut pas perdre son temps pour des questions de coiffures.
TL : Elle a gagné plus de confiance. La mode illustre l’arc narratif de l’histoire.
FJ : Tout à fait. L’une de ses premières lignes, « Ce qui me fait ressembler plus à un homme d’Harvard ? »
Elle fait partie de la minorité et au début, elle essaye de s’intégrer. Mais ce qu’on commence à voir est une femme qui dit « je vais faire les choses à ma façon. » La société change et elle a réalisé qu’elle n’a pas à se conformer. Mais initialement, c’est effrayant. C’est angoissant.
TL: Ces scènes d’ouverture font peur, avec cet océan d’hommes marchant dans Harvard. Mais c’était la réalité. Elle faisait partie des neufs filles de sa classe.
FJ : Je me suis complètement identifiée à ce sentiment d’être de la minorité en grandissant sur les tournages. Souvent, il n’y avait qu’une poignée de femme et ça c’était dans le meilleur des cas. C’est beaucoup plus harmonieux quand il y a la parité sur un lieu de travail. Les hommes et les femmes en bénéficient.
TL : J’aime le fait que la première fois qu’on voit le personnage de Armie Hammer, il est en train de nourrir son bébé sur sa chaise haute.
FJ : Dès le plus jeune âge, Marty et Ruth ont défiés les normes liées aux sexes: cette idée qu’un homme devrait être dur et celui qui va travailler pendant que la femme reste à la maison. C’est pour ça que Ruth a été amenée à dire que les plus grands bouleversements arriveront quand les hommes se verront confier la responsabilité de s’occuper des enfants au même titre que les femmes.
TL : Il n’y a pas de mignonnerie dans le film, pas de romance. Nous rencontrons un couple.
FJ : Exactement. Ce qui a été fascinant c’est la réaction du public à la représentation de la masculinité dans le film. C’est très important pour l’histoire. Il n’y a pas beaucoup de film qui montre des couples qui fonctionnent de façon complètement seine. Il n’y a pas de macho dans cette relation, pas de compétition. Il est important que les gens voient ça comme une possibilité pour les hommes et les femmes.